L'EDITO 84

 

Emmanuel Chartier-Kastler
(Promotion 1984) Président de l’AAIHP
PU- PH Hôpital Universitaire de la Pitié-Salpêtrière

 

 

La réforme du troisième cycle sur l'éabli

L’internat des Hôpitaux, déjà transformé par les réformes d’accès au troisième cycle de 1984 et 2004, est en train de définitivement disparaître. La référence à l’esprit créateur de 1802 s’éteint (se référer à nos documents du bicentenaire célébré en 2002, disponibles sur notre site : http://www.aaihp.fr/HistoireChronologie.php). Je rappellerai succinctement à tous ceux qui ont peut-être eu du mal à suivre les évolutions, que 1984 a transformé l’interne des hôpitaux (concours hospitalier) en étudiant de spécialité, puis que 2004 a supprimé le principe du concours pour créer un accès au troisième cycle par l’examen national classant.

Les Diplômes d’Etude Spécialisés (DES) créés en 2004 étaient, pour certaines spécialités, associés à des DES Complémentaires (DESC) qui amenaient les collègues soit à acquérir une deuxième spécialité, soit comme en chirurgie, à passer par le DES de chirurgie générale pour aller vers leur spécialité chirurgicale dans le cadre d’un DESC qui était une formation « post-internat ». Rappelez-vous par exemple que pour des raisons démographiques, la filière gynéco-obstétricale avait été créée très tôt pour tenter de compenser des besoins majeurs nationaux. Certains pourront le regretter, mais ces modifications sont au contraire le signe d’évolutions sous diverses contraintes (réglementaires, démographiques, économiques, socio-culturelles) auxquelles il nous faut, comme toujours, s’adapter.

Désormais les décisions semblent prises et les collèges des différentes spécialités en ont été informés :

  • Internat et « post-internat » ne feront plus qu’un tout de 6 ans.
  • Si un « post-internat » existe, il sera restreint à certains et en tout état de cause, il se réalisera en étant docteur en médecine et surtout diplômé de sa spécialité.
  • Toutes les spécialités, médicales ou chirurgicales, sont filiarisées dès le choix fait après l’examen national classant, avec bien sûr dans les deux premières années (/6) de tronc commun, notamment en chirurgie, un droit au remords possible.

Nous vivons un vrai bouleversement induit par l’évolution des pratiques médicales, mais aussi par une volonté affichée de réduire centaines formations (internat et « ex-clinicat ») d’un an et de contrôler les entrées dans chaque spécialité.

Il n’échappera à personne qu’au-delà de l’aspect de formation, c’est la rémunération qui subit un premier choc : ce nouvel internat ne donnera probablement aucun accès au secteur 2, sauf peut-être à faire un an de « post-internat » dans la discipline et dans des postes validants de la discipline. Autant dire qu’avec les autres pressions mises sur le secteur à dépassement d’honoraires par le ministère et les négociations conventionnelles, on entrevoit là, la mise en route du rouleau compresseur des changements de modes de rémunération à venir.

Au travers de cette réforme majeure à venir pour mise en application probable en 2017, se profilent plusieurs autres questions que nous avions déjà évoquées par le passé :

  • Quand se situera la mise en responsabilité totale dans cette formation : 5e ou 6e année. On comprend que le projet est d’un an ou en 6e année. Ceci est très réducteur dans les spécialités à actes, mais suppose comme cela est prévu de soutenir sa thèse de doctorat avant cette dernière année et d’être inscrit à l’ordre des médecins.
  • Des « FST » ou formations spécialisées transversales vont être proposées avec l’idée de pousser dans chaque spécialité, qui le demandera et sera retenue pour cela, l’acquisition d’une surspécialité. Celle-ci privera-t-elle le collègue du droit de pratiquer librement les autres pans de sa discipline ? Les enjeux des décisions à venir du ministère sont majeurs.
  • Le processus de formation des étudiants en troisième cycle devra être parfaitement décrit et nous allons directement vers le système anglo-saxon des résidents juniors et seniors et des objectifs à atteindre pour chaque année durant ces 6 années. C’est un compagnonnage différent qui va s’installer, plus étudiant, plus scolaire mais peut-être aussi plus clair et engageant pour les services formateurs.
  • Les postes de chef de clinique - assistant vont continuer à diminuer comme ils ont déjà commencé à le faire car ils ne serviront plus qu’à pousser dans la carrière universitaire ceux qui le souhaitent une fois diplômés de leur DES. Les autres qui feraient une année après leur DES le feront dans le statut d’assistant hospitalier (rémunération moindre et aucun investissement universitaire envers les étudiants).

Le bouleversement va être bien plus profond que la simple formation des DES. Les services hospitalo-universitaires devront revoir leur mode de fonctionnement et leur organisation à la lumière de ces changements de statuts et cursus. Nous connaissons bien la hiérarchie entre résidents nord-américaine : nous allons devoir l’installer pour que la dernière année soit d’une densité formatrice optimale.

L’AAIHP se doit d’adresser dans l’été ses remarques et propositions au chargé de mission « réforme du 3e cycle des études médicales » alors que des arbitrages seront pris pour affiner les décisions clés déjà « pré-actées » à savoir notamment l’année unique de mise en responsabilité avant l’obtention du diplôme de spécialité autorisant l’exercice.

Enfin, quelle place a-t-on donné dans cette réflexion au patient que nous soignons au quotidien et aux meilleurs soins que nous puissions lui fournir ? Oserais-je, dans un acte iconoclaste, proposer que les 6 premières années de médecine en deviennent 5 et que cette année récupérée s’intègre au troisième cycle ?

Pour conclure et rester optimiste, notre souci à l’AAIHP est de maintenir un très haut niveau de formation hospitalière aux futurs spécialistes. Gageons que le bon sens va venir conclure ce projet et que les années de mise en responsabilité seront de deux pour nos chirurgiens, radiologues interventionnels et toute spécialité à acte. Il en va de la confiance que nous donnerons à ceux qui nous soigneront. Nous nous sommes toujours adaptés à l’environnement imposé, sachons demander à nos décideurs de s’adapter aux exigences de qualité et formation nécessaires à notre médecine.