Le billet de la revue 88

Changement d’époque, d’ère
ou d’épistèmê ?
La Médecine au 
coeur du système

Christophe Trésallet
(Promotion 1994)
Directeur de la rédaction Administrateur de l’AAIHP PU-PH Hôpital Universitaire de la Pitié-Salpêtrière

 

Nous avons déjà oublié que nous étions entrés dans un nouveau millénaire, depuis seulement 17 ans…. Chacune des grandes transitions historiques a toujours été marqué par des changements majeurs qui façonnent les sociétés durant des siècles. Le passage d’une époque à l’autre est provoqué par de puissants phénomènes auxquels on ne prête parfois pas attention dans l’immédiat : par exemple des inventions (littéraires, scientifiques ou artistiques…) ou de nouveaux courants de pensées qui finissent par s’imposer (religieux, politiques philosophiques) et bouleversent alors les organisations sociales précédentes, qui paraissaient inamovibles. La période préhistorique a sombré grâce à l’écriture, remplacée par une période philosophique (antique), puis mystique (Moyen-Âge), laquelle a été balayée par une période plus lumineuse artistique/ architecturale (Renaissance). Plus récemment, les progrès techniques et industriels ont défini la période moderne. Ce découpage du temps humain est bien sûr établi à posteriori de façon arbitraire, tant il est difficile de définir l’époque dans laquelle on vit, par manque de recul. C’est ainsi qu’on dit actuellement se situer dans l’ère contemporaine, dans une sorte de continuité passive de l’ère précédente, en attendant une meilleur définition. Cependant, on sent qu’une transformation collective, de ce que d’aucuns appellent l’épistèmê, est en train de se produire : notre façon de penser, de se représenter le monde et sa gouvernance politique, d’aborder les rapports humains et hiérarchiques, de redéfinir les aspirations collectives et individuelles (voire individualistes). Cette nouvelle ère qui se profile et s’impose, quelles que soient les réticences, sera peut être définie dans le futur comme celle du numérique ou de la machine. Nos métiers, grâce aux avancées immenses de ces 15 dernières années, bénéficient peut être plus que les autres activités humaines de cette magie technologique. La Médecine, dans toutes ses innombrables facettes, s’en trouve robolutionnée : façon de raisonner, d’être pratiquée, d’être enseignée, d’être redécouverte, de progresser de façon quasi automatisée (deep learning). Elle aura cependant toujours les plus nobles et aussi peu technologiques objectifs qui soient, qui ont traversé les millénaires sans se corrompre : porter assistance, soigner, aider, sauver, accompagner. Les médecins, passerelle (passeurs ?) entre les humains et la machine, sont sans aucun doute les femmes et les hommes du futur !