Les maladies de la peau sont parmi les plus fréquentes en pathologie humaine. Elles surviennent quelles que soient les cultures et les âges, touchant 30 à 70 % des individus. Ces maladies sont associées à une morbidité psycho-sociale parfois majeure, gênant les relations sociales, affectives et sexuelles, comme dans la maladie de Verneuil (hidradénite suppurée), la neurofibromatose, le psoriasis, les dermatoses faciales ou génitales… Les conséquences sont parfois dramatiques avec par exemple en Norvège un taux de suicide plus élevé chez les adolescents acnéiques non traités qu’en population générale de même tranche d’âge. Dans la grande enquête mondiale publiée récemment dans le Lancet, les maladies de la peau sont à la 4e place en terme de « fardeau » non létal. Certaines maladies cutanées peuvent aussi avoir le pronostic vital mis en jeu comme dans le mélanome métastatique, les toxidermies graves (Lyell, DRESS, ...) ou certaines infections (fasciites nécrosantes, …). Pourtant, alors que dans la classification internationale des maladies, existent plus de mille maladies dermatologiques au sens large (touchant également les muqueuses ou les phanères), les maladies cutanées restent souvent méconnues, insuffisamment considérées par les acteurs de santé.
Compétents en « médecine externe » mais aussi souvent en médecine interne (les internistes étant bien sûr nos plus proches amis et référents), les dermatologues ont une activité hospitalière ou libérale, voire souvent les deux. Il y a près de 3 500 dermatologues en France avec 20% environ d’exercice hospitalier. La dermatologie est notamment représentée au plan institutionnel par plusieurs acteurs parfaitement complémentaires – SFD (Société Française de Dermatologie et d’Infections Sexuellement Transmissibles), CEDEF (Collège des Enseignants en Dermatologie de France) et FFFCEDV (Fédération Française de Formation Continue en Dermatologie) – dont témoigne la mise en commun des énergies : Centre de preuves en Dermatologie, Fonds de Dotation de la SFD, Congrès et FMC, protocoles de recherche en dermatologie hospitalière et de ville, …
Un premier dossier Dermatologie vous avait été présenté par François Daniel, secrétaire général de l’AAIHP en 2011. Cinq ans se sont écoulés depuis mais, désormais à l’échelle du numérique et de la fibre, le temps écoulé va bien au-delà, notamment dans le domaine thérapeutique. C’est donc un réel plaisir de vous présenter ce nouveau dossier Dermatologie en 2016 et je souhaite remercier ici tous mes collègues et amis AIHP qui ont contribué à ce beau numéro illustrant notre passionnante spécialité. Ainsi, J’ai choisi 6 thématiques illustrant à la fois la variété des maladies de la peau et leurs innovations, et pour conclure un exposé plus général, consacré à la recherche en dermatologie en Ile-de-France.
Les dermo-hypodermites bactériennes nécrosantes-fasciites nécrosantes (DHBN-FN) restent des infections cutanées rapidement progressives, voire suraiguës, avec une mortalité élevée. Camille Hua, Emilie Sbidian, celui qui écrit ces lignes, donnent les principaux points clé de ces infections encore sous diagnostiquées et prises en charge de façon suboptimal, d’où l’idée de proposer une filière multidisciplinaire de soins.
Les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) doivent rester sous surveillance en 2016 en raison d’une situation épidémiologique préoccupante et de nouvelles difficultés thérapeutiques. C’est l’objet de l’article de Nicolas Dupin et de Sébastien Foueré. Parmi les points qui vous intéresseront, les formes précoces de neuro-syphilis, les formes digestives de lymphogranulomatose vénérienne ou encore les problèmes thérapeutiques liés aux difficultés d’approvisionnement ou à l’émergence de résistances.
Le psoriasis constitue l’un des domaines les plus innovants en thérapeutique anti-inflammatoire. Les principales actualités sont décrites par Emilie Sbidian et Hervé Bachelez. Ils insistent sur les nouvelles familles d’anticorps monoclonaux que sont les anti-IL17 et les anti-IL23 et abordent également les petites molécules par voie orale. Deux points restent ouverts : des données de qualité encore faible sur les traitements de maintenance et la nécessité de bien connaître les effets secondaires actuels et surtout futurs en vraie vie grâce aux registres.
Une synthèse de vingt ans de progrès thérapeutiques dans la prise en charge des dermatoses bulleuses auto-immunes a été faite par Saskia Ingen-Housz-Oro et Pascal Joly et il faut souligner le caractère remarquable de la recherche clinique française dans ce domaine. Parmi les points importants, l’intérêt majeur du rituximab dans le pemphigus, permettant une décroissance beaucoup plus rapide de la corticothérapie par voie générale sachant qu’existent un problème médico-économique non résolu et une nécessité d’un traitement de maintenance dans une majorité des cas.
Concernant la pemphigoïde bulleuse, la corticothérapie locale est devenue le traitement standard. Le méthotrexate à faible dose peut avoir une place en première intention mais son utilisation probablement limitée par les comorbidités des patients âgés. Une synthèse des principales avancées concernant pemphigoïde cicatricielle et épidermolyse bulleuse acquise est également faite.
Les nouveautés en matière de traitement du mélanome métastatique constituent également une fierté pour la recherche clinique française.
L’article de Caroline Robert et Céleste Lebbé, fait le point sur ce sujet en perpétuel mouvement. Cette synthèse vous permettra de mieux comprendre, en tout cas aujourd’hui, le positionnement de l’ipilimumab, du vemurafemib ou du dabrafemib deuxième inhibiteur de BRAF, du pembrolizumab et du nivolumab dirigés contre le récepteur PD-1. Aujourd’hui, la survie médiane étant autour de deux ans, il s’agit d’une véritable révolution thérapeutique. Presque aujourd’hui, des biomarqueurs seront identifiés afin de pré-sélectionner des patients attendus pour être bons répondeurs ou non à telle ou telle thérapeutique et ainsi choisir la stratégie la plus adaptée.
La neurofibromatose de type 1 (NF1) est l’une des maladies génétiques à transmission mandélienne autosomique dominante les plus fréquentes chez l’homme. Pierre Wolkenstein et Eric Pasmant font un panorama complet, incluant l’expérience du centre de référence. Un module murin devrait permettre de tester de nouvelles voies thérapeutiques comme les inhibiteurs de bromodomaine complétant l’arsenal thérapeutique ciblé de type anti-MEK.
Pour conclure, Selim Aractingi, Président de la Collégiale des professeurs de dermatologie d’Ile-de-France, a mis à profit son excellente connaissance de la biologie cutanée pour faire le point des recherches dans les différentes écoles de dermatologie affiliées aux facultés de médecine franciliennes.
Bonne lecture !
Date de l'article : Septembre 2017
References