Les DermoHypodermites Bactériennes Nécrosantes Fasciites Nécrosantes (DHBN-FN)

Les DermoHypodermites Bactériennes Nécrosantes Fasciites Nécrosantes (DHBN-FN) sont des infections cutanées rapidement progressives avec une morbi-mortalité élevée. La principale difficulté réside dans le fait d’établir un diagnostic rapide pour permettre une prise en charge chirurgicale précoce qui conditionne le pronostic fonctionnel et vital du patient.

 

Définition

Il faut distinguer d’une part les dermohypodermites bactériennes non nécrosantes (DHB) assimilées à l’érysipèle et d’autre part les formes nécrosantes de dermohypodermites bactériennes : les dermohypodermites bactériennes nécrosantes (DHBN) et les fasciites nécrosante (FN)[1]. La DHBN est définie comme une infection bactérienne nécrotique du derme et de l’hypoderme sans atteinte de l’aponévrose superficielle alors que la FN atteint également l’aponévrose superficielle (Figure 1)[1].

Figure 1 Classification anatomopathologique des DermoHypodermites Bactériennes Nécrosantes. D’après la conférence de consensus française de 2002[2].

 

Epidémiologie

L’incidence annuelle des DHBN-FN est faible, estimée à 0,04/1000 personnes par an d’après une étude réalisée aux Etats Unis sur une période de 5 ans[2].

L’origine est, le plus souvent, une effraction du revêtement cutané ou muqueux (60 à 80% des patients) qui peut être évidente ou méconnue du patient. Il peut s’agir d’un traumatisme cutané ouvert ou fermé. Ainsi plusieurs études ont démontré qu’un traumatisme fermé précédait souvent les DHBN-FN streptococcique[3] (responsable d’une surexpression de la vimentine dans le muscle, récepteur du streptocoque A beta hémolytique).

 

Microbiologie

La nature des micro-organismes responsables dépend de la localisation et de la porte d’entrée incriminée. Elle est à la base de la classification des DermoHypodermites Bactériennes Nécrosantes[4] :

  • Type I (poly-microbiennes, 70-80 % des cas),
  • Type II (monomicrobiennes impliquant Streptococcus pyogenes ou Staphylococcus aureus, 20-30 % des cas),
  • Type III (bactéries d’origine hydrique, essentiellement en Asie) et IV (fungiques, essentiellement en cas de traumatisme ou d’immunodépression).

 

Diagnostic

Le diagnostic clinique repose sur l’association d’une symptomatologie localisée avec des symptômes généraux (Tableau 1). Les signes locaux initiaux évocateurs de DHBN-FN sont : une douleur intense disproportionnée par rapport aux signes locaux, un placard érythémateux à bords irréguliers, un œdème induré diffus mal limité dépassant les contours de l’érythème, un érythème rouge sombre avec des zones de purpura, un aspect livedoïde[5,6]. Les signes de gravité, souvent plus tardifs, sont une hypoesthésie superficielle, et des lésions de nécrose profonde comme des tâches cyaniques mal limitées en carte de géographie, des lésions nécrotiques escarotiques, des bulles hémorragiques étendues et une crépitation à la palpation[5,6]. Des signes de sepsis sévère comme une hypotension, une polypnée, une oligoanurie, une confusion qui attestent d’une défaillance viscérale peuvent alors s’y associer et constituent des signes de gravité[5]. Lorsque les signes locaux ne sont pas discriminants pour retenir le diagnostic de DHBN-FN, la présence d’un ou plusieurs signes généraux de sepsis constitue un argument majeur pour proposer une exploration chirurgicale. La problématique du clinicien repose sur le fait qu’il est parfois difficile au stade précoce de reconnaître une DHBN-FN du fait de l’absence de signes spécifiques[7,8]. Les formes aiguës cataclysmiques avec d’emblée des signes de sepsis et des signes locaux de gravité sont de diagnostic facile mais ne représente qu’un tiers des patients ; les formes dont les signes cliniques sont frustes, de diagnostic plus difficile, surviennent souvent chez le sujet âgé, immunodéprimé ou diabétique (Figure 2)[9]. Ces formes subaiguës sont atypiques avec des signes généraux discrets ou absents et des signes locaux au premier plan peu spécifiques « grosse jambe rouge aigue fébrile » qui rendent la distinction entre une DHBN-FN et une dermohypodermite bactérienne non nécrosante difficile[9]. L’imagerie par résonance magnétique, qui ne doit pas retarder la prise en charge chirurgicale, peut aider au diagnostic dans ces formes subaiguës en montrant des hypersignaux des fascias superficiels et/ou profonds et/ou des muscles[10]. 

Tableau 1 : Présentation clinique des DermoHypodermites Bactériennes : formes non nécrosantes versus nécrosantes.

 

Figure 2 : A : Forme clinique typique de DHBN-FN avec signes locaux de gravité.
B : Forme clinique frustre de DHBN-FN avec pauvreté des signes cliniques.

 

Traitement

Les DHBN-FN sont des urgences médico-chirurgicales qui mettent en jeu le pronostic vital. La précocité du diagnostic et de la prise en charge chirurgicale sont des facteurs pronostiques majeurs[11,12]. La prise en charge initiale par une équipe spécialisée, multidisciplinaire, comporte 3 objectifs prioritaires :

  • le traitement de l’état septique et la mise en conditions du malade
  • la prescription d’une antibiothérapie probabiliste
  • un débridement chirurgical précoce des tissus infectés et nécrosés

Une antibiothérapie parentérale à large spectre probabiliste doit donc être débutée au moment du diagnostic et avant tout geste chirurgical.

Au sein de notre structure, un groupe de travail multidisciplinaire a proposé une stratégie d’antibiothérapie probabiliste selon le terrain du patient, le caractère communautaire ou nosocomial, et la localisation (Tableau 2)La durée d’administration de l’antibiothérapie varie entre 10 et 14 jours après la dernière chirurgie de débridement.

Tableau 2 : Recommandations d'antibiothérapie pour les DHBN-FN.
* Groupe de travail des DHBN/FN, Hôpital Henri Mondor.

 

L’exploration chirurgicale du site infecté permet de confirmer le diagnostic. L’atteinte spécifique des fascias est révélée par un changement de coloration et de texture avec un aspect grisâtre, terne et friable. D’autres signes d’atteinte nécrotique des tissus permettent de confirmer le diagnostic : l’absence de saignement musculaire ou dermique, la présence de veines thrombosées dans le derme ou l’hypoderme , un écoulement liquidien malodorant brunâtre type « eau de vaisselle » et un « finger test positif » défini par l’absence de résistance à la dissection digitale de tissus adhérents comme la graisse au fascia.

Le geste chirurgical consiste à exciser largement tous les tissus nécrotiques (peau, aponévrose superficielle, muscles). En l’absence de récupération fonctionnelle prévisible et en cas d’atteinte sévère, l’amputation du membre est parfois nécessaire (15 % des patients environ dans une revue systématique de la littérature[8]). En cas de résection tissulaire initiale incomplète, ou en l’absence de contrôle du sepsis,  il est nécessaire de réaliser des explorations chirurgicales itératives dans les premières 24 h. Ce « second regard », permet d’évaluer la dynamique de la progression de l’infection et de la nécrose tissulaire. Il n’est pas rare que plusieurs interventions de débridement soient nécessaires. Ainsi dans une série, 64 % des patients nécessitaient une reprise chirurgicale[13].

  

Morbi-mortalité

La morbi-mortalité associée est élevée. Une revue de la littérature réalisée entre 1980 et 2008  incluant 67 études avec 3 302 patients estime la mortalité moyenne hospitalière, à 23,5 % (IC 95 % [22.1 ; 24.9])[7]. De plus, le pronostic fonctionnel des membres est bien souvent engagé avec de larges délabrements chirurgicaux allant même dans certains cas jusqu'à l’amputation[14].

 

Conclusion

Les DHBN-FN sont des infections sévères rapidement progressives associées à une mortalité élevée. Leur prise en charge doit être multidisciplinaire dans des centres de référence et la plus précoce possible (Figure 3). 

Figure 3 : Un exemple de filière multidisciplinaire au sein de GH Henri Mondor.

 


Date de l'article : Septembre 2017

References

[1] [Management of erysipelas and necrotizing fasciitis (long text)]. Ann Dermatol Vénéréologie. 2000;127(12):1118-1137.
[2] Ellis Simonsen SM, van Orman ER, Hatch BE, et al. Cellulitis incidence in a defined population. Epidemiol Infect. 2006;134(2):293-299. doi:10.1017/S095026880500484X.
[3] Bryant AE, Bayer CR, Huntington JD, Stevens DL. Group A streptococcal myonecrosis: increased vimentin expression after skeletal-muscle injury mediates the binding of Streptococcus pyogenes. J Infect Dis. 2006;193(12):1685-1692. doi:10.1086/504261.
[4] Morgan MS. Diagnosis and management of necrotising fasciitis: a multiparametric approach. J Hosp Infect. 2010;75(4):249-257. doi:10.1016/j.jhin.2010.01.028.
[5] Wang Y-S, Wong C-H, Tay Y-K. Staging of necrotizing fasciitis based on the evolving cutaneous features. Int J Dermatol. 2007;46(10):1036-1041. doi:10.1111/j.1365-4632.2007.03201.x.
[6] Stevens DL, Bisno AL, Chambers HF, et al. Practice guidelines for the diagnosis and management of skin and soft tissue infections: 2014 update by the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis Off Publ Infect Dis Soc Am. 2014;59(2):e10-e52. doi:10.1093/cid/ciu444.
[7]  May AK. Skin and soft tissue infections. Surg Clin North Am. 2009;89(2):403-420, viii. doi:10.1016/j.suc.2008.09.006.
[8] Goh T, Goh LG, Ang CH, Wong CH. Early diagnosis of necrotizing fasciitis. Br J Surg. 2014;101(1):e119-e125. doi:10.1002/bjs.9371.
[9] Chosidow O. [Subacute forms of necrotizing fasciitis and necrotizing cellulitis: diagnosis criteria and surgical decision-making]. Ann Dermatol Vénéréologie. 2001;128(3 Pt 2):390-393.
[10] Rahmouni A, Chosidow O. Differentiation of necrotizing infectious fasciitis from nonnecrotizing infectious fasciitis with MR imaging. Radiology. 2012;262(2):732-733; author reply 733. doi:10.1148/radiol.11111759.
[11] Elliott DC, Kufera JA, Myers RA. Necrotizing soft tissue infections. Risk factors for mortality and strategies for management. Ann Surg. 1996;224(5):672-683.
[12] Wong C-H, Chang H-C, Pasupathy S, Khin L-W, Tan J-L, Low C-O. Necrotizing fasciitis: clinical presentation, microbiology, and determinants of mortality. J Bone Joint Surg Am. 2003;85-A(8):1454-1460.
[13] Bosshardt TL, Henderson VJ, Organ CH Jr. Necrotizing soft-tissue infections. Arch Surg Chic Ill 1960. 1996;131(8):846-852; discussion 852-854.
[14] Hua C, Sbidian E, Hemery F, et al. Prognostic factors in necrotizing soft-tissue infections (NSTI): A cohort study. J Am Acad Dermatol. 2015;73(6):1006-1012.e8. doi:10.1016/j.jaad.2015.08.054.

Written by CamilleHUA

Promotion 2009
Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil, APHP, Université Paris Est

Written by EmilieSBIDIAN

Promotion 1990
Service de dermatologie, Hôpital Henri Mondor, Créteil, APHP, Université Paris Est

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