Innovations et nouveaux concepts en Oncologie Radiothérapie

Résumé
La radiothérapie joue un rôle majeur dans le traitement du cancer, avec la chirurgie, la chimiothérapie et les traitements systémiques. Ces vingt dernières années, la radiothérapie a vécu une véritable révolution technologique permettant à la fois d’augmenter son efficacité et d’améliorer la tolérance.

Introduction
En 1895, Wilhelm Conrad Röntgen découvrait les rayons X dont l'utilisation à des fins médicales débuta dès 1896. Depuis ce temps, la radiothérapie joue un rôle majeur dans le traitement du cancer, avec la chirurgie et les traitements systémiques. Cette technique consiste à utiliser des rayonnements ionisants (rayons X dans la majorité des cas mais également électrons ou protons) pour détruire les cellules cancéreuses de manière ciblée. Actuellement, en France, deux patients sur trois sont traités par radiothérapie au cours de l'évolution de leur cancer. On estime que plus de 40 % des cancers sont guéris grâce à la radiothérapie, seule ou associée à d'autres traitements.
Depuis le début du 21e siècle, des avancées technologiques très importantes ainsi qu'une meilleure connaissance des effets biologiques des radiations ionisantes ont permis d’augmenter l'efficacité de la radiothérapie tout en améliorant sa tolérance.

Innovations techniques
Le but de la radiothérapie est de détruire les cellules cancéreuses grâce aux rayonnements ionisants tout en épargnant au maximum les tissus sains environnants. Les progrès de l'imagerie ont permis d'améliorer le ciblage de la tumeur avec le développement de la radiothérapie guidée par l'image (IGRT). La distribution de la dose dans le volume irradié a également bénéficié des progrès de l'informatique et de la physique ayant donné naissance aux techniques de radiothérapie conformationnelle avec modulation d'intensité (IMRT) et d'arcthérapie dynamique modulée (VMAT). La radiothérapie en conditions stéréotaxiques est une technique utilisée depuis les années 1960 pour les lésions cérébrales. L'amélioration des systèmes de contention et de repositionnement a permis de l'utiliser également pour des tumeurs extra-crâniennes. Enfin, la radiothérapie adaptative (ART) permet d'adapter chaque jour le plan de traitement à l'anatomie du patient permettant d'obtenir un traitement ultra-personnalisé.

IGRT
Après la consultation et la validation de l'indication, la première étape de la radiothérapie externe consiste à réaliser un scanner en position de traitement qui va permettre de définir les volumes cibles (à traiter) et les organes à risque (à protéger). Si la tumeur est proche du diaphragme (tumeurs bronchiques, hépatiques, pancréatiques), les mouvements de la tumeur liés à la respiration sont pris en compte grâce à une acquisition par un scanner en quatre dimensions. Dans ce cas, le patient peut être traité avec asservissement respiratoire, c'est-à-dire dans une phase respiratoire bien précise afin de réduire le volume de tissu sain irradié en se soustrayant à la mobilité de la tumeur induite par les mouvements respiratoires.
La fusion entre le scanner de simulation et d’autres imageries préthérapeutiques (IRM, TEP scanner) est de plus en plus utilisée pour définir au mieux les volumes cibles.
La radiothérapie guidée par l’image (IGRT) utilise les systèmes d’imagerie kV et MV de l’accélérateur pour repositionner précisément le patient avant chaque séance de traitement.
Lors d'une imagerie kV, 2 clichés RX orthogonaux sont acquis puis comparés aux images reconstituées lors de la préparation du traitement. Si un décalage est observé, le système calcule automatiquement le décalage à apporter à la table de traitement pour avoir une coïncidence exacte de l’anatomie du patient pendant le traitement et lors de la préparation du traitement.
Lors d'une imagerie CBCT (Cone Beam Computed Tomography), le volume à traiter est acquis sur une rotation du bras de l’accélérateur sur 180 ou 360° comme sur un scanner. Cette acquisition permet de reconstruire un ensemble de coupes qui va être comparé à celui acquis au scanner de préparation. Cette comparaison 3D permet un repositionnement plus précis des volumes à traiter.
Ces systèmes permettent de prendre en compte les mouvements interfractions. Une nouvelle génération d'accélérateurs linéaires couplés à une IRM permet de visualiser la tumeur pendant le traitement (IRM dynamique) et ainsi de tenir compte des mouvements intrafractions. La précision du traitement s'en trouve très nettement améliorée

IMRT/VMAT
La radiothérapie externe conformationnelle en trois dimensions (RTC3D) est de moins en moins utilisée. Les dernières évolutions technologiques ont permis le développement de la radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI ou IMRT), qui utilise de multiples faisceaux d’irradiation dont l’intensité est modulée durant chaque séance grâce à un collimateur multilames. L'IMRT est basée sur un calcul inverse. L'oncologue radiothérapeute fixe des objectifs de doses à la tumeur et des contraintes de dose aux différents organes à risque. L’algorithme de calcul avec l'aide du physicien médical va élaborer une solution d’irradiation de façon à ce que la différence entre la dose calculée et la dose prescrite pour chacun des volumes cliniques soit la plus faible possible. Cette solution va générer des faisceaux d’irradiation modulés (composés de nombreux segments) qui vont délivrer une distribution de dose hétérogène. Cela permet d’adapter parfaitement le traitement à la forme de la tumeur et d’éviter au mieux les organes sains, diminuant ainsi les toxicités aiguës et tardives.
La technique appelée VMAT (modulation volumique par arcthérapie) permet de délivrer des faisceaux modulés en fluence sur un ou deux arcs grâce à la fois à la variation du débit de dose, de la vitesse de rotation du bras de l’accélérateur et de la collimation dynamique du faisceau. Cette technique permet d'utiliser un nombre très important de faisceaux afin d'encore améliorer l'index thérapeutique.


Radiothérapie stéréotaxique
L’irradiation en conditions stéréotaxiques est une technique de haute précision, utilisée pour des tumeurs de petit volume (originellement < 5 cm mais désormais sans seuil strict de limitation de taille) à proximité immédiate ou encore au sein d’organes à risque particulièrement radiosensibles. Ce traitement de haute précision est réalisé grâce à un ensemble de mini faisceaux de photons X convergeant sur le volume cible. Elle a été développée pour les tumeurs intracrâniennes, mais est aujourd’hui utilisée pour d’autres localisations (poumon, foie, rachis...) grâce aux progrès des systèmes de contention et de l’imagerie portale et radiologique. Les appareils de traitement peuvent être dédiés (« Gamma knife », « Cyberknife », « Novalis ») ou non (accélérateur linéaire). L’irradiation est hypofractionnée, c’est-à-dire délivrée en peu de séances, avec de fortes doses par séance, fondée sur l’utilisation de minifaisceaux convergents qui permettent une irradiation hautement conformationnelle, limitant ainsi les doses reçues par les organes avoisinants. Le développement de la radiothérapie stéréotaxique a changé l'évolution de la maladie cancéreuse, permettant d'avoir une démarche curative pour les patients ayant une maladie oligométastatique.

Radiothérapie adaptative (ART)
L’ART repose sur la capacité d’un système de planification de traitement à recalculer la distribution de dose avant chaque séance en prenant en compte les mouvements et les déformations des organes et de la tumeur. Jusqu’à aujourd’hui, le traitement de radiothérapie comporte deux phases bien distinctes qui sont la phase de préparation (la distribution de dose est définie et figée) et la phase de traitements constituée d’un ensemble de séances. En radiothérapie adaptative, il sera réalisé autant de phases de préparation que de séances de traitement. Cette planification initiale n’est plus figée car elle est recalculée sur le poste de traitement sur le volume reconstruit en 3D à chaque séance grâce à l’imagerie CBCT du jour.
La radiothérapie adaptative apporte une plus grande précision dans la délivrance de la dose et devrait ainsi améliorer la protection des tissus sains. En effet, elle permet de réduire les marges de couverture sur les tumeurs qui sont appliquées en radiothérapie conformationnelle en raison justement des mouvements des organes.

3. Modulation biologique de la réponse aux radiations ionisantes

Associations chimioradiothérapies
Les premières associations chimioradiothérapies concomitantes datent des années 1980. Le but recherché est d’augmenter l’efficacité de la radiothérapie grâce à des effets additifs, voire supra-additifs (synergie) de l’irradiation et de la chimiothérapie, mais aussi d’obtenir une coopération spatiale, c’est-à-dire d’allier l’action locale de la radiothérapie avec l’action systémique de la chimiothérapie. Les molécules les plus souvent utilisées comme radiosensibilisateurs sont le cisplatine et le 5-fluoro-uracile, mais aussi le cétuximab (anticorps anti-epidermal growth factor receptor [EGFR]). Ce type d’approche a permis d’améliorer les résultats de la radiothérapie à la fois en termes de contrôle local et de survie, au prix cependant d’une majoration de la toxicité.

Association radiothérapie et immunothérapie
Au cours des dernières années, la modification de l’immunogénicité causée par la radiothérapie a été mise en évidence. La réponse immunitaire est d’une part diminuée par l’irradiation de cellules impliquées dans la l’immunité (lymphocytes T, macrophages, cellules dendritiques, …) et d’autre part, et de manière plus importante, augmentée par la création de nouvelles cibles contre la tumeur par le système immunitaire (vaccination in situ par la création d’antigènes associés à la tumeur). Ainsi, la radiothérapie engendre une immunité anti-tumorale radio-induite et la combinaison avec une immunothérapie semble majorer cet effet. Il a ainsi été décrit dans quelques cas un effet abscopal où l’on observe une régression tumorale à distance de la région tumorale irradiée. De nombreux essais cliniques évaluent actuellement l'efficacité de cette association et ses modalités optimales.

4. Perspectives et conclusions

La radiothérapie a bénéficié ces dernières années de trois axes d’optimisation technique :
• meilleure définition de la cible tumorale grâce aux moyens d’imagerie utilisés dans la préparation des traitements. Ainsi, les images du scanner de simulation peuvent être fusionnées avec une IRM ou un TEP-scanner afin d’améliorer la délinéation de la tumeur ;
• optimisation de la distribution de la dose délivrée au volume à irradier, par l’utilisation de nouvelles modalités de délivrance (modulation d’intensité, radiothérapie stéréotaxique, hadronthérapie) ;
• prise en compte des variations anatomiques en cours d’irradiation par les techniques de radiothérapie guidée par l’image, l’adaptation du volume pendant l’irradiation ou la synchronisation respiratoire.
Par ailleurs, une meilleure connaissance de la biologie tumorale permet de moduler l’efficacité biologique de la radiothérapie en fonction de la cible. Le but dans les années à venir est de personnaliser le traitement de chaque patient en fonction des caractéristiques tumorales mais aussi de la réponse de la tumeur au traitement, réalisant une “vraie” radiothérapie adaptative.

 

Mots-clés radiothérapie ; chimioradiothérapie ; radiothérapie conformationnelle avec modulation d’intensité ; IMRT ; IGRT ; VMAT ; ART ; radiothérapie stéréotaxique ; immunothérapie ; effet abscopal.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.


Date de l'article : Juin 2022

References

1. Mazeron J.J., Maugis A., Barret C., Mornex F. Techniques d’irradiation des cancers – La radiothérapie conformationnelle. 3ème édition. Paris : Maloine; 2018.

Written by FlorenceHuguet

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université.

Written by BénédicteDurand

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université

Written by AlexandreOrthuon

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université

Written by ÉléonorRivin del Campo

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université

Written by LaurieMonnier

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université

Written by Jean-NoëlFoulquier

Service d'Oncologie-Radiothérapie, Hôpital Tenon, AP-HP. Sorbonne Université

REPORT ABUSE

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