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Articles N° 91

Préface du dossier pneumologie

Le poumon est un organe fascinant. Au bout de l'arborescence bronchique cylindrique, une structure plantaire d'environ 180 m2 organisée selon une architecture fractale permet d'optimiser la surface d'échange air sang dans un volume contraint. Le poumon respire 12 000 litres d'air et reçoit du coeur 14 000 litres de sang par jour, dans une chorégraphie parfaitement réglée. A la moindre défaillance de l'un ou de l'autre et la dyspnée apparait. Le poumon est aussi la cible de toutes les pollutions environnementales et l'organe le plus exposé aux médicaments. Le poumon est connecté, au coeur bien entendu, mais aussi à bien d'autres partenaires à distance. Qu'un anticorps se dépose sur les capillaires rénaux et ce sont également les alvéoles qui saignent ; qu'on retire un colon d'un malade atteint d'une colite inflammatoire et ce sont les bronches qui souffrent ; que ce développe une hypertension portale et c'est une dysfonction vasculaire pulmonaire qui peut survenir. Que le sommeil se perturbe et c'est le poumon qui se met en apnée ; que les voies aériennes se collabent et c'est le sommeil qui trinque.

La médecine de précision dans le cancer du poumon : actualités et perspectives

Le cancer bronchique est la première cause de mortalité par cancer en France. Le type histologique le plus fréquent est le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC). Il est diagnostiqué dans plus de deux tiers des cas à un stade avancé, avec un pronostic alors particulièrement sombre (survie à 5 ans de moins de 5 %). La prise en charge thérapeutique du CBNPC a été grandement modifiée ces dernières années, avec un passage d'une stratégie basée sur la chimiothérapie cytotoxique adaptée en fonction du type histologique (épidermoïde versus non-épidermoïde), à une stratégie thérapeutique personnalisée, basée sur l'analyse moléculaire de la tumeur et la mise en évidence d'addiction oncogénique (voie de signalisation dont dépend la survie cellulaire). De plus, l'irruption de l'immunothérapie dans le CBNPC a bouleversé les recommandations thérapeutiques des CBNPC métastatiques. Cette revue propose de détailler les modalités thérapeutiques des CBNPC de stade avancé à l'ère de la médecine personnalisée, ainsi que les perspectives d'évolution futures.

L'asthme sévère à l'ère des thérapies ciblées

L'asthme touche près de 7 % de la population adulte en France. Si la plupart de ces patients devraient pouvoir être contrôlés par les traitements inhalés disponibles (corticoïdes avec ou sans bronchodilatateurs de longue durée d'action), il reste une petite proportion de patients asthmatiques, considérés comme sévères, dont la maladie n'est pas contrôlée par ces traitements, même donnés à forte dose. Ces malades sévères représenteraient 3 à 10 % des asthmatiques adultes.

L'irruption de la génétique en pneumologie

La pneumologie est une des premières spécialités à avoir créé une interaction avec les laboratoires de génétique depuis la découverte des mutations de CFTR dans la mucoviscidose au milieu des années 80. Alors que les essais de thérapie génique ont ensuite été longtemps synonymes d'échec, l'arrivée de thérapies activant spécifiquement CFTR choisies en fonction des mutations a transformé l'histoire naturelle de cette maladie. Parallèlement la prise de charge du cancer du poumon a elle aussi été transformée au cours des 15 dernières années et l'instauration de thérapies ciblant les anomalies génétiques acquises par les cellules tumorales. Ces deux exemples illustrent l'importance de l'analyse génétique qu'elle soit somatique ou germinale dans la médecine personnalisée en pneumologie. Nous nous intéresserons dans cet article à un groupe de maladies pulmonaires, les pneumopathies interstitielles diffuses (PID), qui sont elles aussi en train d'être révolutionnées par l'apport de la génétique.

Hypertension Artérielle Pulmonaire : un modèle pour une Start-up

Au cours de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), un remodelage artériel pulmonaire intense et une obstruction progressive des petits vaisseaux pulmonaires sont responsables d'une augmentation de la pression artérielle pulmonaire moyenne à plus de 25mmHg au repos, conduisant à la défaillance cardiaque droite et la mort sauf si le patient répond aux traitements existants ou peut bénéficier d'une transplantation pulmonaire. Ce remodelage vasculaire pulmonaire met en jeu l'inflammation péri-vasculaire, la dysfonction endothéliale, ainsi que la prolifération incontrôlée et la résistance à l'apoptose des cellules musculaires lisses artérielles pulmonaires. L'HTAP est une maladie rare, mais loin d'être orpheline. Pas moins de 12 traitements actifs sont sur le marché, ciblant les 3 voies principales essentiellement modulatrices du tonus vasculaire : la voie de l'endothéline, la voie du monoxyde d'azote et la voie de la prostacycline. Ces molécules ont permis d'améliorer la qualité de vie des patients et de prolonger la survie. C'est dans ce contexte, hors des sentiers battus, qu'une équipe de l'UMR_S 999 INSERM-Université Paris Sud, unité dirigée par le professeur Marc Humbert et adossée au Centre de Reference de l'Hypertension Pulmonaire (Service de Pneumologie, Hôpital Bicêtre) et au DHU TORINO (Thorax Innovation), a découvert le récepteur NMDA (NMDAR), un canal ionique activé par le glutamate, comme nouvel acteur dans la physiopathologie de l'HTAP. Le NMDAR se profile comme une nouvelle cible thérapeutique totalement inattendue mais impliquée dans le remodelage vasculaire conduisant à l'HTAP et imbriquée dans les voies connues de l'HTAP telles que celles de l'endothéline et du PDGF, et une innovation thérapeutique potentielle est en marche grâce à des collaborations pluridisciplinaires dans l'environnement académique de l'UMR_S 999 au sein de l'Université Paris Saclay.

La BPCO se moderniserait-elle ?

Dans l'imaginaire des plus anciens d'entre nous, la BPCO renvoie à l'image d'un homme âgé crachotant, le souffle court, atteint d'une maladie auto-infligée inaccessible aux traitements. Pourtant, le visage de la BPCO a considérablement changé ces dernières années, à commencer par l'égalisation des sexes vis-à-vis de la prévalence de la maladie et de sa place parmi les causes de mortalité.

La douleur de mal respirer

La définition « officielle » de la dyspnée, actuellement considérée comme consensuelle est la suivante : « la dyspnée est une expérience subjective d'inconfort respiratoire faite de sensations qualitativement distinctes et d'intensité variable » Cette définition illustre plusieurs aspects : le caractère subjectif de la dyspnée, qui met en lumière la difficulté de définir un outil de mesure adapté pour la coter, faisant appel à la notion de « self-report » ; le caractère nécessairement désagréable de la sensation respiratoire ; la diversité en termes qualitatif des sensations respiratoires ressenties, qui coexistent fréquemment ; cette notion a été largement développée ces dernières années. En effet, chez l'humain sain, la description de la sensation ressentie diffère en fonction du stimulus imposé et est plus largement déterminée par la pathologie sous-jacente.

Inégalités dans la prise en charge des maladies respiratoires

La plupart des études montrent une augmentation de l'incidence des certains cancers dans les zones défavorisées en particulier du poumon mais aussi des cancers ORL et de la vessie. Ceci est de manière non surprenante lié au tabagisme. Les 2 sexes sont concernés, mais avec un impact plus important chez l'homme. L'organisation des soins entraine également des disparités de prise en charge. Ceci a particulièrement bien étudié en Angleterre où les autorités sont préoccupées depuis des nombreuses années par un taux de survie des cancers du poumon parmi le plus mauvais d'Europe. Une étude récente sur les facteurs associés à une mortalité précoce, à 90 jours suivants le diagnostic montre de manière significative un risque accrue pour les hommes, les fumeurs actifs, les personnes âgées de plus de 80 ans mais aussi pour ceux vivant en zone de fragilité sociale ou en zone rurale. La consultation aux urgences comme premier contact est également hautement prédictive de la mortalité à 30 jours et à un an par cancer du poumon, ce mode d'entré dans la maladie étant plus fréquent chez les personnes vivant en zone de fragilité sociale. En France, nous avons montré dans le cadre de l'étude territoire sur 41 715 patients avec cancer du poumon, 21 % était diagnostiqué suite à une visite aux urgences ; ajustée aux comorbidités, il existait de manière significative un risque plus important de rentrer par les urgences dans la filière de soins quand on était un homme, qu'on habitait dans une zone de défaveur sociale et en zone rurale. Il existait également un lien hautement significatif avec une faible densité de médecins généralistes ou de pneumologues. En France, cette même étude, a mis en évidence que les personnes habitant dans les zones les plus défavorisés ont de manière très significatives un moindre accès à l'innovation.